Refuser de former un nouveau collègue : bonne idée ou mauvaise décision ?

Femme en bureau regardant ailleurs dans un environnement professionnel

219 pages de jurisprudence. Voilà ce qu’il faudrait parfois pour trancher une question qui paraît pourtant simple : doit-on, ou non, former son nouveau collègue ? La réponse, elle, n’est pas gravée dans le marbre du Code du travail, mais le terrain, lui, n’en finit plus de se fissurer entre usages, obligations et ressentis.

Aucune obligation générale n’impose de transmettre ses méthodes et savoir-faire à un nouvel arrivant. Cependant, certaines conventions collectives ou accords maison intègrent cette mission parmi les responsabilités du poste, ce qui modifie la situation en cas de refus. Quant à la hiérarchie, elle choisit la répartition des tâches, à condition de rester dans les limites du contrat.

Refuser de soutenir un nouveau dans une période de transition peut coûter cher en termes de sanctions. Mais chaque cas dépend de la nature des fonctions exercées et des qualifications, la jurisprudence s’invitant souvent pour départager. Dans la réalité, il reste difficile de savoir ce qui relève d’une obligation formelle ou d’une simple entraide.

Changements de poste en entreprise : quelles réalités derrière ce terme ?

Dire qu’un salarié change de poste, ce n’est pas simplement lui donner un nouveau titre. L’employeur détient une réelle marge de manœuvre pour ajuster postes et missions, mais il ne peut pas s’affranchir de toute règle. Tout dépend de la profondeur des transformations envisagées.

La question centrale : touche-t-on à un élément essentiel du contrat de travail ? Changer l’adresse de travail, la rémunération, ou les horaires implique toujours un avenant au contrat, écrit, lu et accepté par le salarié. À l’inverse, un simple ajustement des tâches ou une nouvelle organisation interne relèvent de l’autorité de l’employeur.

Dans la pratique, voici la distinction à retenir :

  • Modifier le poste sans l’accord du salarié reste possible, à la condition de laisser intact tout ce qui fait le cœur de l’engagement contractuel.
  • Dès qu’un élément clé est touché, il faut impérativement recueillir l’accord, par écrit, du collaborateur concerné.
  • En cas de refus, une procédure s’enclenche : cela peut aller d’une proposition de poste différente à un licenciement selon la situation.

La jurisprudence occupe une place de gardien : pas question d’imposer des bouleversements profonds sans raison valable ni consentement. Le contrat de travail fait loi : chaque évolution majeure doit reposer sur des arguments solides, et surtout sur l’adhésion des deux parties. L’échange permet, bien souvent, d’apaiser les tensions que ces situations font naître. Et la manière dont ces transitions se vivent varie grandement selon la culture d’entreprise : certaines encouragent la flexibilité, d’autres campent sur la lettre du contrat.

Pourquoi la formation des nouveaux collègues suscite-t-elle autant de débats ?

Participer à la formation d’un nouveau collègue ne laisse personne indifférent. La transmission des compétences occupe une place centrale dans la vie d’une équipe. Pour certains, c’est valorisant ; pour d’autres, cela pose problème. Chacun se positionne, parfois de façon très tranchée.

L’arrivée d’un salarié novice ou extérieur bouscule l’organisation. L’employeur a ses attentes, souvent corsetées par la pression de la productivité, l’urgence des délais, la répartition déjà tendue des charges. Difficile, dans ces conditions, d’accepter de consacrer du temps à former un nouvel arrivant, surtout si aucun gain n’est prévu à la clé.

Côté RH, l’accompagnement d’un nouveau venu présente un véritable enjeu : une transmission réussie accélère l’intégration, resserre les liens, limite les erreurs. Mais la réalité sur le terrain varie selon la taille de la structure. Voici ce qui différencie les modes d’organisation :

  • Dans les grandes entreprises, former s’organise autour de référents ou de binômes clairement identifiés.
  • Dans les PME, chacun joue sur plusieurs tableaux ; la solidarité s’impose au quotidien.

Le fait de refuser de former interroge donc sur la nature même de cette mission : s’agit-il d’un engagement spontané, ou bien d’une exigence professionnelle ? La frontière reste floue, particulièrement lorsque la reconnaissance n’est pas au rendez-vous.

Droits et obligations des salariés face à la demande de former un collègue

Former un collègue n’est pas systématiquement inscrit dans le contrat de travail. Pourtant, l’employeur peut demander à un salarié expérimenté de partager son savoir, du moment que cela s’inscrit dans ses missions ou reste compatible avec sa fonction. Distinguer l’entraide ponctuelle d’une véritable modification des fonctions n’est pas toujours évident.

Selon la législation, quand la demande de formation relève d’une adaptation simple, un refus risque d’être vu comme un manquement. En revanche, si cela implique un bouleversement du rôle, passer d’une mission technique à de l’encadrement, par exemple, un avenant devient nécessaire. Dans ce cas, le salarié peut parfaitement refuser sans que cela lui soit reproché.

Voici les situations à différencier :

  • Un refus appuyé sur des motifs sérieux, surcharge de travail, manque de compétences pédagogiques, transformation radicale des tâches, ne se traite pas comme un refus sans raison précise.
  • L’employeur doit évaluer le bien-fondé de ce refus : tout écart ou sanction infondée peut conduire à un contentieux.

Les pratiques diffèrent d’une entreprise à l’autre. Dans certains secteurs, la transmission s’effectue de façon très informelle; ailleurs, ce rôle est reconnu et même intégré au contrat. L’essentiel reste la capacité à ouvrir la discussion sur le sens et la portée de cette mission.

Homme au bureau près de la machine à café avec collègue

Refuser de former un nouveau collègue : quels impacts et quelles alternatives ?

Dire non à cette demande ne passe jamais inaperçu. Parfois, cela révèle une surcharge de tâches ; parfois, un vrai manque de reconnaissance. Ce refus agit comme un miroir de la culture d’entreprise et replace la solidarité au cœur du collectif.

Pour l’employeur, la situation complique souvent la circulation du savoir, nuit à l’ambiance et ralentit l’intégration. Si la formation s’impose dans la fiche de poste, refuser expose à une sanction, jusqu’au licenciement pour faute si l’exigence est bien contractualisée. À l’inverse, dès lors que la tâche n’est pas prévue ou bouleverse l’accord initial, le salarié bénéficie d’une protection : aucune sanction ne peut s’appliquer sans base solide.

Pour sortir de l’impasse, plusieurs options existent : formaliser le tutorat, alléger ponctuellement la charge de travail, proposer une formation à l’encadrement, désigner un référent volontaire, intégrer la mission au contrat. Autant de pistes pour clarifier la situation.

Pour avancer, il s’agit d’identifier ce qui motive le refus et d’agir : surcharge, difficulté à transmettre, manque de reconnaissance ? À partir de là, il est possible d’installer des mesures concrètes :

  • Cibler précisément les causes : charge de travail excessive, difficulté à former, absence de valorisation réelle.
  • Proposer de vraies solutions : organisation d’un tutorat, reconnaissance et valorisation du rôle, formation à la transmission.

Gérer ces blocages, c’est s’interroger sur la capacité d’une entreprise à reconnaître l’engagement de chacun, et à adapter ses méthodes pour permettre aux nouveaux de trouver leur place. Demain, les équipes s’en souviendront : transmission ou défiance, la balle restera dans le camp de la culture d’entreprise.