La croissance du PIB ne résulte jamais d’une addition linéaire des ressources disponibles. Des écarts notables persistent entre les prévisions de productivité et les résultats observés, même à égalité de capital et de qualification. La France, par exemple, a vu sa productivité horaire progresser plus vite que celle des États-Unis durant les Trente Glorieuses, avant d’être dépassée à partir des années 2000.
L’écart entre croissance potentielle et croissance effective dépend moins des ressources investies que de la manière dont elles sont mobilisées et combinées. Les modèles de croissance intégrant le progrès technique endogène mettent en avant ce désajustement structurel.
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Le facteur travail : une notion clé pour comprendre la croissance économique
Pour saisir ce qui façonne véritablement la croissance économique, il faut s’arrêter sur la place du facteur travail. Cette notion ne se résume pas à une addition d’heures passées au bureau ou à l’usine. Elle recouvre la qualité de la main-d’œuvre, la façon dont les équipes se coordonnent, mais aussi le niveau de formation ou d’expérience du capital humain. Prenons la France : selon l’Insee, près de 29 millions de personnes étaient actives en 2022. Ce chiffre cache une évolution rapide : plus de travailleurs indépendants, davantage de contrats en alternance. Le marché du travail se transforme à vue d’œil.
La productivité du travail demeure l’un des thermomètres les plus fiables de la performance économique d’un pays. Elle ne dépend pas seulement du nombre d’emplois, mais aussi de leur efficacité réelle. Absentéisme, présentéisme, capacité à s’ajuster aux cycles économiques : tout cela pèse. L’interaction permanente entre travail et capital façonne la trajectoire des entreprises. Si la France a vu son taux de croissance annuel moyen progresser entre 2010 et 2019, c’est en bonne partie grâce à la productivité accrue des facteurs.
Le facteur travail se situe à la croisée de nombreux défis : combattre le chômage, fixer des salaires adaptés, réagir aux évolutions démographiques ou technologiques. La précarité gagne du terrain, le travail indépendant explose, le télétravail s’ancre dans les habitudes, et le marché du travail se polarise. Ces mutations bouleversent la relation entre employeurs et salariés.
Pour résumer les enjeux actuels et les effets concrets du facteur travail, voici les points clés :
- Enjeux du facteur travail : adaptation des compétences, flexibilité, qualité de vie au travail.
- Impacts : sur la croissance, la cohésion sociale, l’innovation organisationnelle.
Derrière les chiffres, la réalité du travail se lit dans la diversité des statuts, l’essor des emplois qualifiés et la nécessité d’anticiper les bouleversements du marché. C’est l’alchimie de ces éléments qui conditionne la capacité d’une économie à générer de la richesse et à en répartir équitablement les bénéfices.
Quels sont les principaux moteurs de la croissance aujourd’hui ?
En France comme dans les autres économies développées, la croissance repose sur plusieurs moteurs qui s’entrecroisent sans cesse. Le facteur capital joue un rôle central. L’investissement dans le capital technique, le renouvellement du stock de capital, les avancées dans les outils de production, tout cela donne aux entreprises les moyens d’accroître leur production et de gagner en compétitivité. L’Insee note que l’âge moyen du capital évolue, signe des cycles d’investissement et des choix technologiques opérés dans l’industrie comme dans les services.
La recherche et développement s’impose également comme moteur décisif. Les investissements dans l’innovation, soutenus par les politiques publiques et les incitations fiscales, permettent à certaines entreprises de dominer leur secteur à l’échelle mondiale. On le voit dans l’aéronautique, l’énergie ou le commerce : le progrès technique s’affirme comme un pilier de la croissance endogène.
Mais l’innovation ne se limite plus aux produits finis. Elle s’infiltre dans les procédés, dans l’organisation du travail, dans la manière dont les technologies numériques se diffusent. Les droits de propriété, les brevets et le rôle de l’État dessinent l’environnement dans lequel les entreprises naviguent. La croissance s’ancre dans la capacité à marier intelligemment facteur travail et facteur capital, tout en anticipant les bouleversements liés à la concurrence mondiale, à la transition écologique ou à la perspective d’une stagnation séculaire dans certains pays.
Productivité et progrès technique : des leviers essentiels à l’efficacité économique
La productivité demeure le nerf de la guerre pour comprendre la croissance. Ce terme recouvre plusieurs dimensions : productivité du travail, productivité du capital, mais surtout productivité globale des facteurs (PGF). Conceptualisée par Robert Solow, la PGF mesure ce que la simple accumulation de capital ou l’allongement du temps de travail ne suffit pas à expliquer. Dans cette perspective, le progrès technique devient un levier central.
L’adoption de nouvelles technologies, la diffusion rapide des innovations organisationnelles ou des technologies de l’information et de la communication bouleversent l’organisation des entreprises et la nature même des emplois. Paul Romer a mis en lumière le rôle de la croissance endogène, où l’innovation est stimulée par l’investissement dans la connaissance et la recherche. Concrètement, on observe une montée des emplois hautement qualifiés, une recomposition des tâches, la disparition progressive des postes peu qualifiés.
Joseph Schumpeter parlait de destruction créatrice. Cette dynamique se traduit par des innovations qui renversent les équilibres en place et accélèrent la transformation des secteurs. En France, l’industrie recule pendant que les services à forte valeur ajoutée gagnent du terrain, signe d’une économie de plus en plus portée par le savoir et l’innovation.
Pour mieux cerner les effets de la productivité et du progrès technique, voici les points à retenir :
- PGF : indicateur clé de l’efficacité de la combinaison capital-travail.
- Diffusion des connaissances : moteur des gains de productivité à long terme.
- Progrès technique : source de différenciation, mais aussi d’inégalités de revenus.
L’écart de salaires et d’accès à l’emploi s’accentue selon le niveau de qualification. Cette réalité interroge la manière dont les fruits de la croissance sont partagés. La productivité, loin d’être un simple chiffre, dit beaucoup sur les forces et les déséquilibres qui traversent l’économie actuelle.
Mesurer la croissance : indicateurs, interprétations et limites
La mesure de la croissance s’appuie sur un ensemble d’indicateurs éprouvés, à commencer par le PIB. Calculé par la comptabilité nationale, le PIB agrège la valeur ajoutée de chaque unité de production. L’Insee publie ces chiffres chaque trimestre, ce qui permet de suivre le tempo de l’économie française. Pourtant, cet indicateur phare ne permet plus aujourd’hui de saisir toutes les subtilités des cycles de croissance.
Les économistes complètent leur analyse avec la productivité globale des facteurs (PGF), qui affine la lecture de la performance nationale, surtout dans les comparaisons internationales. L’OCDE et la Banque de France recourent à ces outils pour anticiper les tendances sur le marché du travail et du capital.
Limites et effets de bord
Certains aspects échappent cependant à ces indicateurs. Voici les principaux points de vigilance :
- Le PIB laisse de côté les externalités négatives, telles que la pollution ou l’épuisement des ressources.
- La croissance mesure la production marchande, sans tenir compte de la qualité de vie ou de la soutenabilité.
- Les émissions de gaz à effet de serre et l’empreinte écologique restent largement invisibles dans les statistiques classiques.
Le rapport Stern et les réflexions sur la tragédie des biens communs (Garrett Hardin) rappellent l’enjeu d’un développement compatible avec les limites de la planète. Aujourd’hui, les économistes plaident pour des indicateurs élargis, intégrant la croissance soutenable, la contribution des énergies renouvelables ou l’essor de l’économie circulaire. Mesurer la richesse, ce n’est jamais neutre : chaque choix statistique engage une vision de la société et trace les contours du futur.